Calcio : la fuite en avant des joueurs italiens à l’étrangerAvec l’arrêt Bosman il y douze ans, c’est l’ensemble des règles qui régissent la circulation des footballeurs communautaires au sein de l’union qui avait considérablement changé le paysage du football européen. L’UEFA s’est plié à la jurisprudence communautaire et a aboli les quotas de joueurs à partir de la saison 1996-1997. Les clubs pouvant engager autant de joueurs, ce qui a immédiatement entraîné une augmentation des transferts.Contrairement à la France, la Belgique, ou l’Allemagne, les clubs huppés anglais et surtout italiens faisaient la résistance à cette nouvelle donne, en réussissant à conserver leurs joueurs, les petits clubs leur servant de fournisseurs de talents. Aujourd’hui, les choses semblent évoluer. Même si pour le moment cela reste un épiphénomène, son caractère exceptionnel, mérite qu’on s’y intéresse de plus près.
C’est une nouveauté, le championnat italien qui a débuté depuis deux semaines laisse lui aussi entrevoir les conséquences de l’arrêt Bosman. À l’intersaison, deux champions du monde et pas des moindres,
Fabio Grosso et
Luca Toni, se sont envolés vers de nouveaux horizons : le premier a quitté l’Inter Milan pour Lyon, le second a été transféré de la Fiorentina au Bayern Munich. À noter que le nouveau défenseur Lyonnais, et le nouvel attaquant Munichois, tous deux titulaires lors de la finale de la Coupe du Monde, évoluaient dans des clubs majeurs du championnat italien. Bien que sollicités par de grosses cylindrées du Calcio à l’intersaison, les deux joueurs ont préféré les chemins de l’exil. C’est un risque pour leur sélection en équipe nationale, pense-t-on, les Italiens considérant à tort ou à raison que leur championnat est le meilleur sur le continent. Argument rapidement balayé par le boss de la Squadra Azzurra, Roberto Donadoni : «
Je les suivrai tous avec la plus grande attention. Cela n’a rien d’étrange. Les sélectionneurs du Brésil et de l’Argentine sont confrontés à une situation bien pire. Je ne vois rien de dramatique dans les départs de ces joueurs talentueux ».
Le sélectionneur italien est donc obligé de composer avec cette nouvelle configuration. La première illustration de cette nouvelle ère dans le football italien, se percevra dès ce samedi, à l’occasion du match Italie-France, comptant pour les éliminatoires du Championnat d’Europe des nations 2008. Nul doute que dans le onze de départ de la Squadra, il y aura un Italien évoluant à l’étranger. Pourtant, le 9 juillet 2006, en finale de la Coupe du monde, les joueurs de la sélection sacrée championne du monde évoluaient tous dans des clubs italiens.
Quand on pose la question au défenseur lyonnais, Fabio Grosso, 29 ans, sur les raisons de son exil en France, il répond «
Je suis vraiment heureux d’être venu dans ce très grand club qui vise toujours plus haut ».
Au-delà de cette raison louable invoquée, on sait que la migration a débuté immédiatement après le couronnement 2006. Dans la foulée du scandale des matches arrangés et de la rétrogradation de la Juventus Turin en Série B. Le ballon d’or 2006, et capitaine de la sélection italienne,
Fabio Cannavaro, a été le premier à s’envoler pour le Real, suivi par
Gianluca Zambrotta à Barcelone.
Peut-on en déduire que c’était une manière pour les deux joueurs de tourner le dos à ce scandale de la corruption, qui les a touchés au plus près, puisqu’ils appartenaient à la Juventus de Turin, principal accusé dans cette affaire ? Toujours est-il que cela a donné des idées à d’autres joueurs, y compris les jeunes.
L’attaquant et grand espoir du football italien,
Rolando Bianchi (
photo), auteur de 18 buts avec la Reggina la saison dernière en championnat, figure également sur la longue liste des joueurs italiens qui ont bouclé leurs valises cet été. Il s’est envolé pour l’Angleterre à Manchester City, un club qui n’est pas considéré comme étant de premier plan. À une autre époque, comme Inzhagi, Gilardino, Grosso, Di Vaio et bien d’autres, il aurait signé au Milan, à l’Inter à la Juve. Et c’est bien là le problème. Les grands clubs italiens n’offrent plus de chance à leurs jeunes joueurs talentueux de s’exprimer au haut niveau.
Deux facteurs conjugués peuvent expliquer ce phénomène. Le recrutement limité effectué par les grands clubs de Série A italienne, et la préférence aux joueurs venus d’autres championnats. Pour son retour dans l’élite, la Juve a recruté essentiellement à l’étranger. Tiago, Andrade, Salihamidzic. Quant au champion d’Europe en titre, l’AC Milan, l’effectif n’a pas bougé, à l’exception de la signature du Brésilien Alexandre Pato. Le champion d’Italie en titre, l’Inter de Milan, a certes recruté dans le Calcio mais les choix ont porté sur le Roumain Cristian Chivu et le Hondurien David Suazo. L’AS Roma a quant à elle fait signer le milieu de terrain offensif français Ludovic Giuly, en provenance du Barça, et le défenseur brésilien de Leverkusen Juan.
L’Italie à l’instar de l’Angleterre, de l’Espagne, ou de la France, subit les effets pervers d’un championnat à deux vitesses, où globalement trois ou quatre clubs dominent les débats chaque année, et apparaissent comme les seules perspectives de jouer le titre , et donc côtoyer le haut niveau (Ligue des Champions).
Pour les joueurs italiens qui ont du talent et des ambitions d’évoluer au haut niveau, mais barrés par les internationaux des grandes équipes, l’avenir a un seul dessein : l’étranger. Cette éventualité est d’autant plus rendue possible, que les clubs, comme Parme ou la Lazio Rome n’ont plus les moyens de retenir les bons joueurs qui s’envolent vers des destinations certainement moins prestigieuses, mais compensatrices financièrement.
C’est ainsi que
Giuseppe Rossi, attaquant international espoir, a été transféré à Villarreal en Espagne, malgré ses 9 buts en 16 matchs la saison dernière avec Parme.
En outre, que dire de
Cristiano Lucarelli. Le buteur de Livourne a explosé la saison dernière avec 20 buts inscrits en Série A qui l’ont propulsé en sélection nationale. Mais à 31 ans, le joueur a signé pour le Shakhtar Donetsk, en Ukraine...
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